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dimanche 2 octobre 2022

Trois soeurs de Laura Poggioli

Titre : 
Trois soeurs
Autrice : Laura Poggioli
Genre : Littérature contemporaine
Editions : L'iconoclaste
Parution : 18 août 2022
Mots clés : Russie, violences, femmes, faits réels, autobiographie 





Résumé :

Quand la police de Moscou est arrivée, les trois soeurs étaient assises le long du mur à côté du cadavre de leur père. Il avait le poil noir, le ventre gras, une croix dorée autour du cou. Depuis des années, il s'en prenait à elles, les insultait, les frappait, la nuit, le jour. Alors elles l'ont tué. 

La Russie s'est déchirée à propos de ce crime, parce qu'il lui renvoie son image, celle d'une violence domestique impunie. 

À vingt ans, Laura Poggioli a vécu à Moscou. Elle aimait tout : la sonorité de la langue, boire et sortir, chanter du rock. Elle a rencontré Mitia, son grand amour. Parfois il lui donnait des coups, mais elle pensait que c'était sa faute. " S'il te bat, c'est qu'il t'aime ", dit un proverbe russe.

Mon avis :

Trois soeurs, c'est la vie des soeurs Khatchatourian. Krestina, Angelina, Maria. Elevées par un père violent et une mère victime, impuissante face à ce bourreau. 

En parallèle, on retrouve Laura. A différents âges de sa vie. Adolescente, étudiante, adulte. Un professeur qui la traumatise, des années dans un pays qu'elle idéalise, des séquelles qui restent. 

Laura Poggioli prend le parti d'écrire ce roman à travers différentes voix. La sienne, celles des soeurs, celles de ces femmes violentées dans une Russie inégalitaire. Dans ce pays, les violences domestiques ont été dépénalisées. Une femme, un enfant peut donc se faire frapper, à mort, par son mari, son amant, son père, sans que cela ne soit réprimé. Ce qui est dans la sphère privée doit le rester. Qu'importe les conséquences. 

"Une policière lui répondait qu'elle ne pouvait rien faire mais qu'elle enverrait quelqu'un sur place si elle était assassinée"

C'est dans ce contexte qu'éclate le fait divers qui a chamboulé un peuple tout entier. Un soir, Krestina, Angelina et Maria passent à l'action et mettent fin à leurs sévices. En ôtant la vie de celui qui faisait de la leur un enfer. 

Dans la presse, tout et son contraire est entendu. Une partie de l'opinion publique soutient les soeurs, à mesure que les tortures, les violences physiques et sexuelles sont révélées. Mais la société n'est pas unanime, la dichotomie est là. 

Le père était aimant, un bon chrétien, fidèle de l'Eglise Arménienne. Un peuple uni, des circonstances atténuantes. Tout va bon train pour retourner la situation, et expliquer que la figure paternelle ait parfois levé la main sur ces filles désobéissantes, sur cette femme incompétente, jetée dehors au bout d'un moment.

De son côté, Laura Poggioli a appris le russe à l'école par un concours de circonstance. Elle arrive à Moscou à vingt ans, des étoiles plein les yeux. Elle va enfin vivre dans ce pays qu'elle aime, et son propos n'est pas uniquement négatif. Au contraire, elle cherche à travers son roman à nous inculquer l'hétérogénéité de cette société multiple, multiculturelles. 

Les femmes sont bien traitées dans la sphère publique, en sécurité. En contrepartie, on ferme les yeux sur ce qui se passe une fois les portes fermées. Un melting-pot de nationalité vit dans la capitale, une résultante de l'ancienne URSS et de l'attrait de cette ville cosmopolite. On s'amuse, on croque la vie à pleine dent, on n'accepte, sans juger, l'autre. 

L'autrice s'y sent vite à sa place, en tombe amoureuse. En même temps qu'elle rencontre Mitia, son amour russe. Celui qui la poussera à l'extrême, une relation toxique, déshumanisante et ponctuée de coups. Mais l'écrivaine s'en sort, prend du temps pour comprendre, assimiler ce qui lui est arrivée. 

Dans Trois soeurs, on suit à la fois des pans du passé, romancés par Laura Poggioli, des trois soeurs et les tenants et aboutissants du procès en cours. Plus on en apprend, et plus on se révolte. 

L'autrice ponctue son récit de faits divers, où la violence faite aux femmes est une constante. En Russie, une femme sur cinq est ou sera frappée par son partenaire. Le constat est accablant. 

Ce premier roman est dur, mais nécessaire. Il met en lumière la brutalité des hommes dans un monde qui les protège. Celle-ci n'a pas de frontière. Nous ne sommes en sécurité nulle part. 

J'ai aimé : les destins mêlés de l'autrice et des soeurs Khatchatourian, en apprendre davantage sur la Russie

J'ai moins aimé : certains éléments qui ont été survolés

Note : 4/5

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